Cette ballade d’une journée sur le lac Inlé mérite à elle seule que l’on y consacre un livre! Il est en effet difficile de restituer en quelques lignes la diversité des villages, des paysages et des constructions sur pilotis imaginés par le peuple Intha, minorité ethnique de cette région, depuis la nuit des temps. Ce « boat trip » peut s’envisager de plein de façons et l’on peut partir de nombreux endroits du lac selon le lieu de votre hébergement. Cependant, de nombreux départs se font à partir du village de Nyaung U. C’est ce que nous avons fait. En se promenant dans la ville, nous sommes fréquemment abordés pour nous proposer une journée en bateau sur le lac. Il s’agit donc de connaître un peu en amont ce que vous souhaitez découvrir sachant que la plupart propose à peu près la même chose, les variantes étant surtout liées aux artisans rencontrés en fonction de l’affiliation de votre batelier avec ces derniers. Au programme, pêche traditionnelle sur le lac, villages sur pilotis, marché de Nam Pan, artisanat local et bien évidemment, pagodes et monastères. Un itinéraire sur carte permet de visualiser notre parcours d’une journée.
Nous avons loué les services d’un batelier qui s’avérait être le père de notre loueur de vélo. Pour info, celui-ci se situe dans une petite rue en face du restaurant « Star Flower Italian Pizza » au coeur de la ville. Ce petit commerce de location très modeste est tenu par un birman d’une très grande gentillesse et simplicité. La journée en barque exclusive (nous n’étions que deux!) nous a coûté 22000 kyats (soit 14€). Rendez-vous est pris pour un départ à 6h du matin!
Un départ émouvant
A 6h du matin, notre batelier nous attend sur le lieu du petit commerce. Nous partons ensemble vers le canal. Ce détail a son importance car à cette heure matinale, nous partageons le début d’une journée d’activités sans le flot touristique. Nous croisons un groupe de moines en file birmane (c’est la même que la file indienne mais en Birmanie!) déambulant dans les rues à la rencontre des habitants qui les attendent pour leur offrir le repas du jour! Rituel dépaysant… Et puis il y a les gens que nous croisons qui saluent notre guide sans doute une figure locale compte tenu de son âge et de son activité de batelier. Cela participe à notre impression d’être déjà dans le cercle intime de cet humble birman.
La pêche traditionnelle par les « Fils du lac »
Après quelques kilomètres de navigation sur le canal, le paysage s’ouvre sur le lac. Instant magique malgré le bruit provoqué par le moteur de la barque en échappement libre! A cette heure matinale, le soleil joue encore à cache-cache avec les montagnes. Au loin, nous apercevons une barque et son batelier. Une nasse en osier trône au milieu de l’embarcation. Il s’agit sans doute d’un pêcheur mais sa présence ici avec ce matériel traditionnel nous interpelle et nous faisons le lien avec la lecture des articles des guides de voyage qui nous alertent sur la présence de ces personnes à titre « folklorique »… Il s’agit sans doute d’un pêcheur de la minorité ethnique Intha (« Fils du lac ») montrant une technique traditionnelle qui semble aujourd’hui disparue d’un point de vue professionnelle.
En effet, lors de notre progression sur le lac, nous rencontrons d’autres pêcheurs avec leur filet qui ne semblent pas prendre « la pose ».
- La pêche à la nasse ou la pose pour la photo?
- Le geste gracieux du pêcheur au filet
Dans les deux techniques, le pêcheur est debout sur la pirogue, enroule une jambe autour de la gaffe et rame ainsi tout en retirant son filet avec ses mains libres pour prendre le poisson. Sur le lac, nous croisons de nombreuses barques chargées de marchandises diverses très photogéniques dans la lumière éclatante et pure du matin.
Le lac aux « Quatre villages »
C’est la signification du nom Inlé mais on en compte aujourd’hui plusieurs dizaines. Construites sur pilotis, les maisons colorées ont un charme fou! Ce sont des villages organisés comme sur la terre ferme, on y trouve donc des « rues-canaux » avec une électrification à l’identique. Ainsi, des poteaux électriques baignent dans l’eau mais ici, rien d’anormal, il ne s’agit pas d’une inondation soudaine. Les commerces, les hôtels, les restaurants et les services publics sont accessibles par bateau. Il n’est donc pas rare de croiser de frêles esquifs pilotées par de jeunes enfants aussi à l’aise sur l’eau que le seraient les nôtres avec leur vélo!
- Déplacement d’une famille dans les « rues » d’un village
Le charme
des villages sur pilotis
et la danse du batelier
Le marché de Nam pan
Un canal nous amène directement sur le lieu du marché et nous stationnons dans l’immense parking à bateaux. Grouillant d’activités le marché s’étire le long du canal sur la terre ferme. Commerces de légumes, de poissons, de fleurs et échoppes artisanales rivalisent de couleurs. Comme un peu partout en Birmanie, les marchés sont très photogéniques mais les odeurs pour le moins particulières limitent notre enthousiasme.
- Le « parking » du marché de Nam Pan
- Marché de Nam Pan
Des échoppes
et des couleurs
Vous avez dit artisanat…
Le peuple Intha a développé des techniques artisanales qui perdurent encore aujourd’hui. Si certaines des activités se vivent un peu partout dans les pays du monde tels que le métier de forgeron dans le village de Seinkaung, d’autres sont très originales, les ateliers d’orfèvrerie dans le village d’Ywama par exemple ou la fabrication de pirogues de Nam Pan ou encore la confection de cigares roulés à la main par des femmes dans ce même lieu, le fameux Cheroot du lac Inlé. On trouve également d’importants ateliers de tissage de la soie et de la fibre de lotus à Inn Paw Khone.
« Forger l’acier rouge… »
- … »des mains d’or »
Des cultures hors-sol…
Les habitants du village de Kela cultivent des jardins flottants (Floating gardens of Kela). La production de tomates tient une place importante. Le lac Inlé est le principal fournisseur de ce légume dans la région.
- Floating gardens of Kela
… et la production de fleurs
Entre monastère et Pagoda
Nous avons découvert trois sites principaux, un monastère et deux pagodes. Au Myanmar on en visite beaucoup mais sur le lac Inlé, le peuple Intha a du développer des techniques spécifiques pour ériger ces édifices. C’est le cas de Nga Pha Chaung monastery appelé aussi le « monastère des chats sauteurs ». Pas moins de 650 poteaux de teck ont été nécessaires pour l’édifier.
- Nga Pha Chaung monastery
- Les « Chats sauteurs »
Dans le village de Thar Lay, c’est la pagode Phaung-Daw U qui attire l’attention ou plutôt, en ce qui nous concerne, c’est le hangar qui jouxte la pagode et qui abrite la barge royale. En effet, très protégée, celle-ci ne sort de son abri qu’une fois par an à l’occasion de la fête aquatique des Inthas en octobre… Dans la pagode, des fidèles collent des petites feuilles d’or sur Bouddha devenu informe par ces offrandes successives!
Enfin, notre préférée fût la pagode Shwe Inn Tain à In Dein. Située au sud ouest du lac et accessible par un canal sur quelques kilomètres, sa particularité réside dans l’accès couvert de 600m qu’il faut parcourir pour y parvenir. De plus, de part et d’autre de ce passage couvert à colonnes, des dizaines de stûpas en ruine apparaissent dans la végétation. Véritable plaisir de déambuler ainsi parmi ces édifices en briques rouges à la forme gracieuse pour enfin accéder à la pagode, elle-même étonnante par le contraste des stupas alignés blanc et or.
- Accès par un passage couvert et Stupas en ruine
- Pagode de Shwe Inn Tain
A ne pas manquer…
Malgré un nombre de touristes en augmentation, nous avons aimé cette journée passée sur le lac. Ces dimensions sont telles que l’impression d’être seuls sur l’eau est réelle! Certes les bateliers vous amènent dans les ateliers dans l’espoir que vous sortirez votre carte de crédit. Nous avons rencontré un couple de touristes surpris d’être transportés d’un atelier à un autre semble-t-il sans l’avoir demandé. Il est effectivement important de se mettre d’accord par avance sur le trajet envisagé. L’artisanat se maintient sans doute grâce au tourisme mais cela ne prend pas, de notre point de vue, des proportions choquantes sur ce lieu. Il reste le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’unique notamment lors de la traversée des villages sur pilotis. Observer les habitants se déplacer et vaquer à leurs occupations en barques est d’une grande poésie.
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