A l’instar du volcan Bromo, le Kawa Ijen ou « cratère vert » en javanais fait parti de la « ceinture de feu » qui parcourt l’océan pacifique. Culminant à 2799 m, ce volcan est devenu, malgré lui, une star pour les français depuis le reportage de Nicolas Hulot. Faut-il s’en plaindre? La réponse est difficile à apporter et à ce stade de l’article sans doute prématurée. Découvrons tout d’abord cette merveille de la nature et l’activité humaine qui s’y déroule, le temps du bilan viendra ensuite…
Si vous ne connaissez pas encore ce que représente l’activité volcanique de cette région du monde, voici une carte présentant les principaux volcans d’Indonésie et la situation géographique du Ijen.
Comment s’y rendre et combien ça coûte?
Comme pour le Bromo, plusieurs possibilités s’offrent à vous. Si vous venez de Bali, le plus simple est d’arriver par l’est de Banyuwangi (voir l’article Mifuguemiraison). De cette ville, nombreuses agences proposent leur service. Si vous venez de l’ouest, vous arriverez sans doute par Probolinggo. En ce qui nous concerne, et comme de nombreux voyageurs, nous avons gravi le Kawa Ijen suite au volcan Bromo. Notre démarche a donc été la suivante. Lors de notre arrivée à Cemoro Lawang pour la visite du volcan Bromo, nous avons réservé directement auprès de notre hôtel Café Lava un pack comprenant : transfert Cemoro – Sempol + repas du soir + hébergement + guide pour le Ijen + transfert Sempol – Banuywangi pour la somme de 1 250 000 rp soit environ 80€ pour 2 personnes. Après discussion avec d’autres voyageurs, c’est un tarif conforme aux prix pratiqués sachant que les comparaisons sont compliquées du fait de la diversité des packs proposée par les agences et les hôtels.
Nous sommes partis de Cemoro pour Sempol, l’un des villages proches du Ijen, vers 9h en Bemo avec d’autres voyageurs. Arrivés à Probolinggo vers 11h, nous sommes repartis pratiquement aussitôt pour Sempol avec un autre chauffeur. Un arrêt pour déjeuner puis arrivée au soleil couchant à Sempol vers 18h.
L’hôtel à Sempol, pas vraiment le choix!
Notre pack comprenait la réservation de l’hotel à côté de Sempol. Nous n’avons pas eu le choix de l’hotel. il s’agissait de Catimor Homestay à Blawan. C’est une pension de la plantation de café. Une maison coloniale en bois plutôt charmante. Certaines chambres ont été refaites mais selon l’affluence vous pouvez être amené à dormir dans les logements plus anciens. Ce fût notre cas. Dans un ancien bâtiment qui a connu son heure de gloire, des chambres que l’on peut qualifier d’insalubres aujourd’hui. Le réveil étant prévu à 1h du matin, il est plus facile d’accepter ces conditions… et les propriétaires le savent bien. A l’instar du volcan Bromo, les touristes ne restent pas plus d’une (courte) nuit. La motivation pour améliorer franchement le confort n’est pas au rendez-vous.
Départ au Kawa Ijen
–> 1h du matin: Après une courte nuit, nous partons pour le Kawa Ijen. L’hôtel est situé à environ 30 mn du parking de stationnement. Nous ne revenons pas à l’hôtel, les propriétaires prévoient un petit déjeuner dans une box.
Le parking de stationnement est vaste. Une aire de camping est aménagée et permet ainsi aux travailleurs porteurs de soufre de dormir sur place.
L’ascension du volcan Kawa Ijen, une randonnée de nuit
–> 2h du matin: Notre groupe composé d’environ une dizaine de personnes est accueillie par notre guide prévu dans le pack. Il s’agit de Sokrno Ijin, un « pencari » (porteur de soufre). Ce dernier nous explique qu’il travaille dans le cratère un jour sur deux et « profite » de son jour de repos pour effectuer des visites du Ijen. Son accueil est chaleureux, très souriant il nous prend en charge en étant d’emblée très prévenant. Cette bienveillance se confirmera tout au long du trajet! Il commence par la distribution de masque à gaz. Il a prévu des masques à gaz spéciaux pour ceux ou celles qui sont asthmatiques.
La randonnée commence sur un sentier assez large et plutôt agréable. Assez rapidement celui-ci devient pentu. Les chaussures de randonnée préconisées dans les guides ne sont pas superflues (cela se confirmera lors de la descente dans le cratère).La marche dure environ 1 heure jusqu’à une sorte de refuge que Sokrno appelle la cantine ou la caféteria.
La cantine des pencaris, une base arrière, Nicolas Hulot y a dormi!
Sokrno l’appelle également la caféteria. De fait, un bar sommaire est aménagé. On y sert du café et du thé mais également quelques produits alimentaires sous emballage.
Ce que l’on apprend ensuite nous laisse médusé. A côté de la »cafétéria », une sorte de cabane fait office de chambrée.
Sokrno nous dit qu’il l’utilise pour dormir ou se reposer entre 2 transports ou entre 2 journées de travail. En effet, l’on comprend qu’il ne revient chez lui que le weekend ou tous les 15 jours.
Par ailleurs, il nous apprend que Nicolas Hulot a utilisé ce lieu en présence de Sokrno lors de la réalisation du reportage. Notre guide avait alors une dizaine d’années. Il s’agit d’un baraquement au confort très sommaire, composé de « cases » dans lesquelles des nattes sont étendues.
–>3h du matin : nous partons en direction du sommet du cratère. La marche est plus difficile sur un sentier étroit. Il faut environ 1h pour arriver au sommet. En chemin, nous croisons des pencaris qui transportent des blocs de soufre. A ce stade du sentier, le transport descendant se fait à l’aide de chariot. En remontant leur chariot à vide, ils nous proposent de nous transporter au sommet du cratère pour quelques roupies… Nous déclinons poliment!
Nous arrivons au sommet vers 4h. Il faut maintenant amorcer la descente dans le cratère. Au sommet nous sommes toujours dans le noir le plus complet. On ressent une activité plus importante. Des pencaris prennent un peu de repos après avoir remonté leur cargaison et dans l’attente d’entamer la descente en chariot. Les lumières des lampes de poche des uns et des autres donnent une ambiance particulière tel un balai de lucioles. Tout cela est très esthétique!
La descente est compliquée car le sentier est très étroit et la visibilité réduite.
Nous progressons lentement et croisons fréquemment des porteurs de soufre. Le sentiment de ne pas être à sa place… Une activité humaine singulière d’un autre âge avec des hommes qui souffrent pour gagner un peu de quoi faire vivre leur famille. Voyeurisme? On se rassure en se disant que l’on vient découvrir un phénomène naturel quasiment unique au monde. Mais bon, un peu gêné aux entournures…
–> 5h du matin: on y est! Il fait toujours nuit et il nous est difficile de vraiment mesurer les dimensions du site. Nous découvrons les flammes bleues tant attendues mais des vapeurs d’un mélange gazeux sortant de la solfarate masquent le phénomène. Nous tentons de nous positionner convenablement mais le relief est chaotique et n’ayant jamais vu le site de jour, difficile de se situer. Pas de repère précis.
Panique à la solfarate!
Quelques personnes se rapprochent pour être au premier plan nous les suivons et Sokrno nous encourage à le faire… mais jusqu’à présent le vent poussait les vapeurs à l’opposé. Notre prudence s’est relâchée et nous sommes maintenant situés à quelques mètres de la solfarate, le vent a tourné soudainement emportant avec lui un nuage de gaz toxique. Très grosse frayeur! Malgré le masque à gaz, impossible de respirer. Toutes les personnes présentes tentent de s’éloigner au plus vite mais le terrain accidenté nous en empêche et le vent qui n’a toujours pas décidé de changer de sens. Pendant quelques poignées de secondes on s’imagine mourir asphyxié. Certains ont retiré brièvement leur masque pensant mieux respirer. Perdu, c’est pire! Puis le vent fini par tourner à nouveau de sens comme pour nous montrer que le lieu reste dangereux et qu’il faut rester prudent. Ok on a compris on restera un peu à l’écart…
The blue fire
Ayant trouvé un poste d’observation approprié nous contemplons les fameuses flammes bleues. Mais c’est quoi au juste les flammes bleues ? La couleur provient des vapeurs de soufre qui s’échappent du cratère avec une température de 200°C. Lorsqu’ils s’enflamment la nuit, les gaz produisent des flammes d’un bleu électrique pouvant s’élever jusqu’à 5 mètres de hauteur (Source: maxisciences.com).
Le spectacle est garanti!
Conseil : regarder la vidéo dans un lieu peu éclairé…
Le sang jaune de la terre
–> 5h30 du matin : le jour se lève et l’on distingue maintenant la couleur jaune du soufre. Des tuyaux ont été installés sur les flancs du cratère donnant l’impression qu’un monstre tentaculaire est maintenu ici en captivité. Un spectacle tout droit sorti d’un roman de Jules Verne.
Mais tout cela mérite une petite explication. Les vapeurs de soufre s’échappant du cratère passent à l’état liquide et les tuyaux installés dirigent ce dernier vers le bas du cratère. En sortant du tuyau, le soufre liquide se solidifie.
C’est ce que les pencaris transportent dans leur panier après avoir cassé les blocs de soufre à la barre-à-mine.
Le bas de la solfarate se situe proche du lac. L’eau est verte, le lac est considérée comme étant le plus acide du monde avec un pH à 0,2! Les vapeurs acides s’échappent également par le fond du lac accentuant ainsi son acidité.
–> 6h du matin : nous prenons le chemin du retour et remontons le cratère accompagnés des pencaris.
–> 7h du matin : petite halte au sommet, les pencaris font de même et préparent leur chargement dans les chariots.

Petite pose au sommet, selon notre guide, l’homme à la droite de la photo a 72 ans et remonte encore des paniers de soufre
Et en conclusion…
Les avis sont aussi divers qu’il y a de visiteurs et chacun se fera son opinion. Il semble que le site fait l’objet d’une affluence de plus en plus importante durant les mois d’été. Nous y sommes allés en septembre et il y avait encore beaucoup de monde. La découverte du Kawa Ijen a été pour nous un moment fort. Tant du point de vue du phénomène géologique en lui-même que de la rencontre des pencaris. La discussion avec Sokrno, notre guide, a été déterminante. Nous pouvions nous attendre à nous trouver face à un homme fatigué et désabusé mais il était tout son contraire. Sans doute fier de montrer son travail et la solfarate. Pourtant, tout au long du trajet, nous nous sentions un peu en voyeur… En ce qui concerne les pencaris, le tourisme leur permet d’augmenter leur salaire « différemment ». Mais est-ce possible pour tous les porteurs de soufre? Sokrno parlait couramment l’anglais et il était très à l’aise dans le rôle du guide. Evidemment nous souhaitons tous que ce genre de travail soit rémunéré à sa juste valeur et dans des conditions de travail décentes ou qu’il soit tout bonnement interdit. Concrètement, tout au long du parcours, nous avons constaté que les visiteurs se comportaient avec beaucoup de respect, laissant passer les porteurs de soufre lors de la montée. Il semble, à la lecture des commentaires sur les réseaux sociaux, que ce ne soit pas toujours le cas.
Quel avenir peut-il y avoir pour cette activité? Le phénomène géologique reste une curiosité et vaut certainement le détour. A vous de voir ou pas…
Leave A Reply